Les effets de la réduction ou de l'arrêt de la dose d’antipsychotique sur le résultat à long terme chez les patients présentant un premier épisode psychotique (PEP)

Les patients présentant un premier épisode psychotique (PEP) demandent souvent s'ils peuvent interrompre leur traitement après une période de rémission. Cela place les psychiatres devant un dilemme difficile. Les données à court terme ont montré que le traitement d'entretien à dose réduite constitue un moyen efficace de prévenir les rechutes et que la réduction des taux de rechute correspond à une amélioration des résultats. Des études récentes indiquent que les stratégies de réduction de la dose présentent de meilleurs résultats que le traitement d'entretien à long terme, mais peuvent provoquer des taux de rechute plus élevés à court terme. D’autres études préconisent de poursuivre le traitement pendant au moins 3 ans.

Réduire précocement la dose entraîne une meilleure rémission à long terme chez les patients rémittents

Une étude menée sur 7 ans auprès de 103 patients rémittents a révélé que les taux de rémission étaient significativement meilleurs chez ceux qui recevaient une réduction précoce de la dose que chez ceux qui recevaient un traitement d'entretien (40.4% contre 17.6%)1. Les taux de rémission fonctionnelle étaient également plus élevés dans le groupe recevant une dose réduite (46.2% contre 19.6%), mais n'étaient pas liés à la rémission symptomatique. Ce résultat constitue une excellente nouvelle pour les psychiatres car il suggère que la diminution des doses peut se faire en toute sécurité, évitant ainsi un blocage inutile de la dopamine et des effets néfastes sur la santé métabolique et le cerveau. Cependant, l'étude a également révélé que les taux de rechute chez les patients ayant bénéficié d'une réduction posologique n'étaient réduits qu'à long terme, les taux augmentant en effet au cours des trois premières années.

En quoi ce point est-il important? La probabilité de rémission est étroitement liée au nombre de rechutes chez les patients souffrant d’un premier épisode psychotique1. Ceci indique que tout doit être mis en œuvre pour éviter les rechutes. Dès lors, comment les psychiatres peuvent-ils bénéficier des avantages sur 7 ans d'une réduction posologique tout en évitant les rechutes précoces?

Les taux de rémission étaient significativement meilleurs chez les patients ayant bénéficié d'une réduction précoce de la dose que chez ceux ayant reçu un traitement d'entretien (40.4% contre 17.6%).

Adapter les doses en fonction des patients pour éviter toute rechute

Des études ont déjà montré que le risque de rechute et le résultat fonctionnel pourraient être prédéterminés par les symptômes négatifs de base1-4. Si cette hypothèse est vérifiée, les stratégies de prévention des rechutes pourraient avoir moins d'impact sur les résultats qu'on ne le pense généralement.

Pour étudier cette hypothèse, le Dr Wunderink et ses collaborateurs (Université de Groningue, Pays-Bas) ont procédé à une analyse post-hoc des données sur 7 ans afin de déterminer si les différences de taux de rechute étaient purement dues aux différences entre le traitement d'entretien et la réduction posologique ou si certains patients sont plus susceptibles de rechuter que d'autres. Ils ont constaté que le nombre et la sévérité des symptômes négatifs de base permettaient de déduire de manière significative les taux de rechute chez tous les patients ainsi que chez les patients bénéficiant d'un traitement d'entretien. En revanche, les symptômes négatifs de base ne constituait pas un facteur prédictif de rechute chez les patients bénéficiant d'une réduction de dose.

Il faudra mener d'autres études pour déterminer si les patients présentant des degrés élevés de symptômes négatifs au départ doivent être traités différemment, et si les résultats obtenus chez les personnes ayant reçu un traitement d'entretien sont dus au fait que les doses appliquées étaient trop faibles pour prévenir les rechutes. Les stratégies d'entretien doivent donc être adaptées à chaque patient afin de réduire la dose de médicaments sans provoquer de rechute.

Les stratégies de traitement doivent être adaptées à chaque patient afin de réduire la dose de médicaments sans risquer une rechute.

Poursuivre le traitement pendant au moins 3 ans

Une étude menée auprès de 178 patients dont le premier épisode psychotique était totalement rémittent après un traitement antipsychotique a révélé que les taux de rechute après 1 an étaient significativement plus élevés chez les patients qui avaient arrêté les antipsychotiques que chez ceux qui bénéficiaient d’un traitement d'entretien (79% contre 41%)2. Afin d'étudier les effets de l'interruption du traitement sur les résultats à long terme, les patients ayant terminé l'étude d'un an ont été cliniquement pris en charge et ont fait l'objet d'évaluations régulières sur une période de 10 ans. 5. Au total, les patients du groupe ayant interrompu le traitement étaient significativement plus nombreux à présenter un mauvais résultat clinique que les patients sous traitement d'entretien (39% contre 21%). Le taux de rechute explique en grande partie ces effets. Ces résultats tendent à montrer que la poursuite de la médication pendant au moins les trois premières années après le début du traitement protège efficacement contre les rechutes et diminue le risque de faibles résultats à long terme.

La poursuite du traitement pendant au moins les trois premières années après sa mise en place prévient efficacement les rechutes et diminue le risque de conséquences négatives à long terme.

Continuer ou non?

Les lignes directrices cliniques recommandent pour la plupart de poursuivre le traitement antipsychotique pendant 1 à 2 ans après un premier épisode psychotique mais n’émettent aucune recommandation pour un traitement à long terme6.

Selon une enquête menée à Singapour (N = 82), près de 50% des cliniciens estiment que le traitement pourrait être interrompu chez 21 à 40% des patients asymptomatiques et que les patients devraient être suivis pendant 12 à 24 mois après l'interruption. Au total, 50% des répondants estiment que le traitement devrait être poursuivi pendant 1 à 2 ans après la rémission des symptômes et 28% pensent que cette période pourrait être réduite à 6-12 mois. Les cliniciens s'accordent pour dire que les principaux critères de décision consistent à apprécier le soutien social dont bénéficient les patients et leur capacité à faire face à des situations stressantes.

References

  1. Wunderlink L, et al. JAMA Psychiatry 2013;70(9):913-20
  2. Chen C, et al. Brit Med J 2010;341:c4024
  3. Hui CL, et al. Aust N Z J Psychiatry 2013;47(8):746-53
  4. Austin SF, et al. Schizophr Res 2015;168(1-2):84-91
  5. Hui CL, et al. Lancet Psychiatry 2018;5(5):432-42
  6. Takeuchi H, et al. Schizophr Res 2012;134(2-3):219-25